Le substantif « présent » peut prendre deux sens : un sens temporel, qui l'oppose à la fois au passé et au futur, et un sens spatial, si on le considère comme l'antonyme d'« absent ». (Etre dans le monde et dans le temps).
Il ne saurait y avoir d'expérience que du présent. Une expérience passée n'est qu'une expérience révolue de ce qui fut présent, une expérience future, n'est, de la même façon, que l'expérience à venir de ce qui se présentera.
Saint Augustin, Confessions (~400) : « Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne me le demande, je le sais ; mais que je veuille l'expliquer à la demande, je ne le sais pas ! ». Il y a « un présent relatif au passé, la mémoire, un présent relatif au présent, la perception, un présent relatif à l'avenir, l'attente. »
Le temps implique le changement : ce qui « a été » (passé) « fut » présent à un moment.
Le présent est présence, donc une donnée immédiate, soit de la perception, soit de le sensation pure, soit du sentiment. C'est dans la relation de mon corps et des choses que je fais l'expérience du présent. Dès lors, cette conscience du présent s'accompagne d'une conscience de réalité.
Le refus du présent est, au fond même de l'être, le refus de vivre, le refus d'affronter le réel. Il suffit, pour refuser le présent, d'en ignorer la présence, pour remplir le moment actuel de la représentation de ce qui a été ou de ce qui pourrait être.
Le présent implique une personne qui le ressent : le présent ne peut être qualifié de tel, qu'en référence à un sujet dont il est, justement, le présent, et dont ce sujet fait donc, justement l'expérience.
L'instant extatique : instant et éternité
Le présent, cette transition fugitive, si on ne la réduit pas à une abstraction mathématique, comporte une certaine épaisseur de durée, qui peut aller d'un présent fulgurant, désigné métaphoriquement du nom d'instant, à un intervalle de temps plus ou moins long. La difficulté consiste alors à trouver les critères qui permettent de délimiter le présent, c'est-à-dire de préciser où il commence et où il finit. L'instant est ce qui ne dure pas pour Aristote : il est en tant qu'il n'est pas. Aristote en conclut qu'il est du non-être. L'instant peut désigner la fulgurance d'un présent vécu avec intensité, parce que, dans le cours de l'existence, se produit alors un changement radical, soudain et bref, qui peut marquer une direction nouvelle. Bachelard voyait dans l'instant la rupture créatrice de la vie.
La plénitude savourée de chaque instant comble l'âme d'un bonheur parfait, n'y laissant aucun vide qu'elle doive combler par l'espoir d'un futur meilleur ou le souvenir d'un bonheur perdu.
Le souvenir de la durée est parmi les souvenirs les moins durables. On se souvient d'avoir été, on ne se souvient pas d'avoir duré. L'éloignement dans le temps déforme la perspective de la longueur, car la durée dépend toujours d'un point de vue. Les objections de Bachelard à Bergson. (Doc. 19/2/99a)
Il y a un contraste entre l' « instantanéité » supposée du présent et la « durée » plus ou moins requise pour « avoir » une expérience.
Saint Augustin s'inscrit dans la tradition platonicienne pour laquelle seul est, et seul est véritablement connaissable, ce qui est éternel, l'Etre, Dieu, les essences. Montaigne affirme que « ce qui est éternel, c'est-à-dire qui n'a jamais eu de naissance, ni n'aura jamais de fin, à qui le temps n'apporte jamais aucune mutation. » (c'est Dieu).
Mais qu'en est-il de la représentation ? N'est-il pas paradoxal de parler d'une présence de ce qui est représenté ? S'il n'y a pas actualité du représenté, il y a actualité de la représentation. C'est dans le présent que je me représente l'absence. J'ai une représentation actuelle, donc réelle de l'avenir ou du passé.
Toute vérité est une route tracée à travers la réalité (Citation de Bergson) : « Toute vérité » : il y a donc un grand nombre de vérités. Par exemple : vérité du présent, vérité de l'existence, vérité du corps,... Il n'y a par contre que « la réalité » (unicité).
« Vivre est chose exclusivement présente. » (Montaigne)
« Le présent n'a point d'étendue. » (Saint Augustin, Les Confessions, IX, 15)