À la fin de sa vie, Jean-Jacques Rousseau décide d'écrire pour lui-même pour fixer ses rêveries de promeneur.
5ème promenade ←→ évocation se son séjour à l'île Saint Pierre en septembre 1765. Il décrit l'extase dans laquelle culminait sa rêverie lorsque, le soir, il se promenait et s'asseyait au bord du lac Bienne.
La nature est pour Rousseau un lieu privilégié : ses sens son en éveil. Il aime entendre le bruit des vagues
(l. 12), le flux et le reflux
(l. 13-14) de l'eau. Il observe avec attention ce monde qui l'entoure : le lac
, les plaines
, les montagnes
(l. 7). Rousseau a un regard de connaisseur (botaniste), en herborisant
(l. 2), les riches et fertiles plaines
montrent son intérêt et surtout sa connaissance du lieu. Ce qui lui plaît aussi, c'est que la nature lui offre un cadre de solitude et d'isolement : Rousseau s'assoit volontiers
seul dans les réduits
(l. 3), puis dans quelque asile caché
(l. 10). Cela souligne le fait que la nature représente le refuge et le lieu protégé, dans lesquels il peut oublier la société et la réalité.
Le cadre décrit par Rousseau apparaît magnifique, grandiose. Rousseau emploie un vocabulaire poétique et des expression excessives : les cimes
(l. 9) représentent les hauteurs de l'île Saint Pierre; les rivages
(l. 5), la grêve
(l. 10), le flux et le reflux
(l. 13-14) des vagues
et les eaux
transforment le lac en une mer sur laquelle Rousseau navigue.
Le cadre ressemble à un lieu riche et précieux : les rivages sont couronnés
(l. 5), les plaines riches
(l. 7), le cadre superbe
, ce qui signifie majestueux.
Le paysage s'étend et semble immense et infini. Les montagnes prochaines
(l. 6) d'un côté, sont de l'autre éloignées
(l. 6); les rivages sont élargis
et la vue s'étendait
(l. 7). La couleur bleuâtre
des montagnes indique que Rousseau ne les distingue pas très bien; elles sont hautaines et accessibles. L'allitération en "T" de tantôt sur les terrasses et les tertres
(l. 4) pourrait également exprimer cette idée: d'en haut, Rousseau domine tout le paysage, il peut le parcourir des yeux
(l. 4).
Le cadre décrit par Rousseau apparaît comme un lieu paradisiaque. En fait, les souvenirs reviennent peu à peu à sa mémoire et il les grandit, les embellit pour montrer les moments de bonheur qu'il a passés dans la nature. Tous ces épisodes de sa vie défilent dans sa tête comme un film. Dans le texte, cela se traduit par une longue phrase au rythme lent et régulier, qui s'étend en nombreuses propositions.
Des retours de sonorités ("aine") tels que couronnés d'un côté par les montagnes prochaines et de l'autre élargis en riches et fertiles plaines
(l. 6) donnent une impression de suspension, d'attente en fin des groupes de mots; ils montrent le souvenir qui resurgit peu à peu, lentement.
De même, les nombreux parallélismes comme tantôt... tantôt
(l. 3-4); les plus... les plus
(l. 3); à parcourir... pour parcourir
(l. 2-4). à droite... à gauche
(l. 2) miment le déroulement de ses souvenirs et le vagabondage (la liberté) de l'auteur en soulignant les différents moments de ses promenades.
Rousseau, charmé par ce paysage ravissant
(l. 5) est plongé dans une contemplation de la nature qui le mené progressivement à la rêverie.
C'est au voisinage de l'eau que Rousseau commence à s'évader dans un monde de rêverie et d'inconscience. Cette évasion est suggérée par la répétition du son "v" dans volontiers
(l. 10); grêve
(l. 10); vague
(1. 1); rêverie
(l. 12); souvent
(1. 3); mouvement
(l. 15); intervalles
(l. 14).
Rousseau se sent progressivement engourdi. Le bruit des vagues
(l. 11), bruit régulier et bruit continu
(l. 14) berce et produit peu à peu un effet d'endormissement. La reprise des même sonorités comme le "flux et le reflux
(l. 13-14); continu
(l. 14); fusse aperçu
(l. 13) ainsi que la fréquence des groupes binaires tells que le bruit des vagues et l'agitation de l'eau
(l. 11); fixant mes sens et chassant de mon âme
(l. 11); suppléaient (...) et suffisaient
(l. 15-16) suggèrent le va et vient de l'eau sur la rive. L'opposition des verbes fixant
et chassant
(l. 11) accentue cette impression de mouvement.
L'agitation de l'eau
(l. 11) qui attire particulièrement l'attention de Rousseau, produit un phénomène hypnotique.
De plus, cet état d'envoûtement semble s'éterniser. L'emploie des participes présent fixant; chassant; frappant
(l. 11 & 1. 4) ainsi que celui de l'imparfait de l'indicatif suppléaient; éteignait; offrait
(l. 12 & l. 13 & l. 15) sont lourds et ralentissants. notion de durée.
La réalité devient rêve. Rousseau ne fait plus aucune actions. Il est passif par rapport au début du passage où nous le voyions parcourir l'île
(l. 2). Ainsi, il y a une absence totale de pronoms personnels sujets et les sujet des phrases sont dans la plupart des cas des sensations extérieures comme le bruit des vagues
(l. 11), le flux et le reflux
(l. 13), tandis que Rousseau n'est présent qu'à travers des pronoms personnels compléments d'objet en moi
; me
et les nombreux adjectifs possessifs mon
; ma
; mes
.
Les phrases commencées avec un sujets extérieur s'achèvent sur l'état d'âme de Rousseau montrant bien le passage de la réalité au rêve. Il y a un parallélisme entre l'eau et l'âme de Rousseau (= vases communicantes) : les mouvements externes se substituent aux mouvements internes. Ainsi l'agitation de l'eau
(l. 11) est reprise par l'expression chassant de mon âme toute autre agitation
(l. 12). De même, le mouvement continu
(l. 20) se substitue au mouvements internes
et mon oreille et mes yeux
(l. 15) reprend symétriquement le bruit des vagues et l'agitation de l'eau
(l. 11).
Le mouvement des vagues est très sensible dans l'âme de Rousseau. Le vocabulaire concret des verbes fixant; plongeait; éteignait; naissait; berçait
est employé avec un sens abstrait qui caractérise les états d'âme de Rousseau et suggère parfaitement le mouvement d'oscillation, comme pour les vagues.
C'est une rêverie délicieuse
(l. 12). l'adjectif délicieux souligne cet état de bonheur qui l'envahit. Rousseau est en extase. Il vit un moment de béatitude. Ainsi, la répétition du son "IR" dans l'expression sentir avec plaisir mon existence
(l. 16-17) met en relief cet instant de bonheur.
Ce qui contribue également à cette sérénité d'âme est le dépouillement de toute activité intellectuelle pénible. Rousseau ne pense qu'à lui, qu'à son bonheur personnel et ne parle que de mes sens; mon âme; mon oreille; mes yeux; mon existence
. Il refuse volontairement de penser à autre chose, comme à la réalité du monde. Les toits fin de phrase suivantes construites symétriquement : sans que je m'en fusse aperçu
(l. 13); sans prendre la peine de penser
(l. 17); sans aucun concours actif de mon âme
(l. 21) reprennent cette même idées avec un rythme qui ralentit (8, 9 puis 10 pieds).
Sa réflexion
(l. 18), qui révèle un état conscient, est atténuée par faible et courte
, impressions légères
.
Le texte met donc en valeur les différents traits de la personnalité de Rousseau : le botaniste, observateur minutieux de la nature, et le promeneur solitaire à la recherche d'un asile. Par ailleurs, Rousseau semble utiliser la langue comme instrument de musique. Le texte suggère une mélodie avec des couplets et des refrains, rythmée par des rimes, des jeux de sonorités, des allitérations et des groupes binaires fréquents qui ont des effets de prosodie.